Wednesday, August 12, 2009

Journal de bord, expédition en canot, rivière Natashquan, juillet, 2001

EXPÉDITION EN CANOË

RIVIÈRE NATASHQUAN

DU 12 JUILLET AU 29 JUILLET, 2001


Voici le journal que j’ai tenu lors cette palpitante aventure. Veuillez prendre note que toutes les heures sont en temps universel car l’expédition traversait trois fuseaux horaires.

La rivière Natashquan prend sa source au Labrador et se termine au village de Natashquan au Québec, soit une distance de 400 kilomètres. Notre voyage débute dans la Miramichi, au Nouveau-Brunswick.


12 juillet, 2001

Expédition en canoë sur la Natashquan. C’est le départ. Mes coéquipiers : Léonel Richard, 44 ans ; Danis Pageau, 36 ans ; Daniel Levesque, 45 ans et moi-même, Claude G. Savoie, 49 ans. Poids en équipement ; 170 kilos, en plus de nos deux canots. Sommes partis de chez, Daniel, à Napan, dans la région de la Miramichi à 01h00 UTC.

13 juillet

Arrivé à Matane à 8h00 UTC. Après une traverse du fleuve St-Laurent, arrêt à Sept-Îles, au Walmart. Batteries pour la caméra vidéo de Danis. Arrivé à Natashquan à 20h00 UTC. Le voyage s’est bien déroulé. Passage désertique et surréaliste par ces énormes rochers dénudés qui longent la route. Hébergement à l’Auberge La cache, au no. 9. J’ai partagé la chambre avec Léonel. Trinqué à la boisson de Chicoutail.



14 juillet

Ce matin il y a encore de la brume. Nous attendons toujours notre pilote, Monsieur Léonard Deraps, de Deraps aviation. Il y eu du brouillard toute la semaine et de la pluie. Nous avons hâte de savoir si nous partons aujourd’hui pour notre destination, le lac de la Source de la rivière, dans le Labrador, soit zone : UTM 20, 47800E - 581300N. Le relevé à Natashquan, notre base de départ : zone 20, 588980E - 560196N.



JOURNAL DE BORD DE CLAUDE G. SAVOIE


Nous nous sommes envolés à 15h35 UTC à bord d’un hydravion, DHC-3 Otter, construit le 20 juin, 1958. Amerrissage sans difficulté. Nous sommes excités de voir la rivière. Nous mettons les canots à l’eau et prenons possessions de nos bagages. Nous partons sur le lac, par un temps couvert. Premier camping à une pointe que nous avons (que j’ai) baptisé la Pointe à Claude, zone 20 0487706E – 5806927N. Trois litres de vin et le steak à Danis … un délice.

15 juillet



Levée à 10h00 UTC. Déjeuner, crêpes. Départ à 12h45 UTC. Arrivé à un rapide. Installé tente au début du portage. La rivière est gorgée d’eau. Il y eu de fortes pluie depuis le début juillet. Nous partageons demain matin.







16 juillet

Je viens de finir notre premier portage. Ouf !! Pas hâte à celui d’un kilomètre, cet après-midi. De l'épinette noire et du violon (mélèze), de la mousse de caribou, de couleur verdâtre et toujours humides. Rien d’autre. Les moustiques sont très raisonnables. Nous formons une belle équipe. Les rôles ont été mis bien au clair lors du premier portage. Léonel, le chef d'équipe, même s’il n’aime pas ce titre, Danis et Daniel, vont déterminer si l’on descend les rapides ou l’on portage. Pour ma part je vais rester en arrière avec les canots. Chacun à sa journée pour la préparation des repas, etc.

Débute portage, nous devons faire une piste à travers la forêt Débuté à 14h00 UTC. Léonel avec la hache, moi la boussole et la carte en main. Fini à 16h50 UTC. Impressions du groupe à la demi portage à 15h50 UTC : « Colice de tabarnacle, enfin rendu au 2ième portage. » Léonel jubile. Amerrissage bien content, Daniel a développé un grand respect pour les coureurs de bois. Léonel enchère avec bis ! Moi, c’est tout une job, heureux comme un pape. Daniel profite de son siège de toilette portable.

17 juillet

Première journée de soleil. Avons campés au bas du rapide suite à notre portage d’un kilomètre. Nous avons découvert une borne sur une pointe de roche, au bas du rapide. Inscription : D.R.H. Québec B .M. 120. Nous sommes toujours au Labrador.


15h10 UTC. Venons de dîner sur les roches dans un rapide. Vu de beaux rochers. Le terrain est en train de changer. Plus sec et moins spongieux. Mes habilités de canoteur s’améliorent.



Nous avons fait de la cordelle pour une bonne partie de la journée. Sommes arrivés à notre campement après un rapide qui est en réalité une chute. Daniel a tenté sa chance à la pêche.
A date nous sommes mouillées à tous les jours. La cordelle nous a demandé d’être à l’eau au niveau de la ceinture.






18 juillet

Jour 5. La levée du corps à 11h00 UTC. Nous ne sommes pas matinale, car nous avons besoin de récupérer. Faut dire que le soleil au Labrador, se lève à 08h00 UTC.
Définitivement il y a de ces instruments qui rendent la vie de camping fort agréable. Le bac de toilette portatif est l’un de ceux là. Nous avons fait 2 portages. Le dernier, en fin de journée nous a tous épuisés. Énormément de cordelle qui demande une agilité de chèvre de montagne pour pouvoir sauter de roche en roche dans la rivière. Nous sommes tous trempés. Les corps commencent à montrer signe d’usure, ampoules aux pieds, plaques au devant des jambes, etc. Les rapides sont d’une rare beauté, à vous couper le souffle. Nous sommes campés sur le versant gauche, sur un cap de roche. Ce fut notre but d’arrivé du dernier portage.




19 juillet

Fait 2 solides portages et deux petits en plus d’un portage paresseux (traîner le canot chargé par-dessus les roches). De très magnifiques chutes. Moins fatigués aujourd’hui. La rivière m’a encore demandé son tribut (un partiel dentaire et un briquet). Nous avons définitivement trop de nourriture. La végétation a changé. Énormément de cordelle à faire.





20 juillet

5 maudits portages, en plus de cordelle. Nous n’avons avancé que de 4 à 5 kilomètres. Quand la fatigue nous prend, on n’avance qu’un pas à la fois. Faut dire que ces portages sont très rapprochés et avec la chaleur et les mouches noires (elles sont apparues en légion). Ce fut une pénible journée.



21 juillet

Avons fait 2 portages sur une distance de 2 kilomètres. Nous avons traversé la gorge que l’on a baptisé « La porte de l’enfer ». Ceci a été notre plus dure journée. Nous avons eu de l’orage, de la pluie, des éclaires. La seule chose cocasse, étant le fait, que l'on était tous cachés sous la toile de Léonel en attendant que l’orage passe. On a bien rit, se racontant des farces.







22 juillet

Dix jours et nous n’avons fait que 100 kilomètres de rivière sur un total de 400 kilomètres. A ce rythme on n’y arrivera jamais. Nous sommes tous épuisés. Au bout de nos forces. Nous avons encore un portage d’un kilomètre et demi devant nous. Aujourd’hui, c’est la première fois que l’option d’être repêché par la GRC du Labrador fait surface. Elle fut rejetée en silence.

23 juillet

Eurêka ! Nous avons enfin retrouvé la beauté de la rivière, après un autre sacré portage. Nous jubilons. Nous voilà à l’embouchure de la Mascuamanga. Nous avons célébré au cointreau.

Comment expliquer nos portages? Et bien d'abord s’habiller, sauter à l’eau dans une piscine, se mettre une charge de 27 kilos sur le dos, se mettre en marche dans une forêt d’épinettes dense, infestée de mouche noires et de maringouins, et ce dans un terrain couvert de mousse trempées, qui cache de gros cailloux ronds, faire un kilomètre et par la suite recommencé jusqu’a cinq fois. On ne peut pas porter dans un même voyage, donc il y des allées retours. Ah oui! Y ajouter un orage de pluie.

24 juillet

Fini le dernier portage. Facile celui-là! Une descente libre sur une longueur de 170 km de rivière. Le moral est haut. Nous avons fait 40 km aujourd’hui. Nous sommes campés sur une lisière de sable. Enfin fini la mousse de caribou, tant humide. Avons trouvé des installations ou charpentes de tipis des Montagnais, lors de leurs expéditions de chasse.








L’on pense sérieusement de se faire sortir de la rivière par hydravion. Heureusement que nous avons apportés avec nous un téléphone satellite. Bien sur nos conjointes ne savent rien de notre périple autre que tout va à merveille. A ce rythme, nous allons manquer de nourriture et de ne sortir que mercredi prochain, soit dans huit jours. On verra bien!

Nous avons vu de belles falaises et la végétation a bien changé. Il y a des arbres de bouleaux, de trembles et de sapins baumiers, pas en grosses quantités cependant.

25 juillet

Nous avons empruntés !!! des morceaux de structures de tipis Montagnais (3 perches) et avons amarrés nos deux canots et fait de la voile. Nous étions debout à 9h30 UTC. A 16h00 UTC nous sommes en face du gros rocher que les Montagnais appel Machaoa-a-shini.






Nous étions tellement ambitionnés aujourd'hui, que nous avons pris notre dîner dans un des canots, en pleine voile. Nous avons parcouru 68 km. Beau site de campement sur une île. Nous prenons notre souper à 22h00 UTC.


26 juillet

Levée à 10h15 UTC. Espérant du vent ce matin. Il fait encore très frais, presque froid. Pas eut de vent favorable en avant-midi. Cet après-midi, remis la voile. Eut toute une bourrasque de vent et de pluie, un vrai "squall". Tout pris pour se ramener au bord.

Nous avons contacté Deraps via notre téléphone satellite pour voir s’il est possible de se faire sortir de la rivière. Possibilité de demain. Nous sommes trois jours de retard sur notre itinéraire. Nous avons donc eu à changer nos plans. Décidément la Natashquan nous en aura fait voir de toutes les couleurs. Avons même eu une tempête de sable sur la dune.

Il fait froid, 9 degré C. On est gelé. Nous sommes campés à la pointe de île. Coordonnées : zone 20, 0596943-5668018 ou 51 degré, 09’ Nord par 61 degré, 36’ Ouest.

27 juillet

Nous avons refait un appel à Deraps. Possibilité pour demain. Avons trouvé un site pour que notre hydravion puisse amerrir et de camping.





Léonard Deraps vient de passer en hydravion au dessus de notre campement. Il semble possible pour demain matin. Notre moral est à la hausse. Dernier relevé sur la rivière. Zone 20, 0591282-5632005.

28 juillet

Nous sommes debout depuis 10h00 UTC, à attendre l’hydravion qui doit arriver à 13h00 UTC. Beau soleil.





Une chose qui a fait le succès de cette expédition, a été notre esprit d’équipe. Nous savions que pour survivre, il nous fallait compter sur le groupe. Chaque geste individuel avait un impact sur l’ensemble. Le fait que nous avons gardé notre bonne humeur, malgré les embûches, la fatigue, les déceptions, fut primordial.





14h00 UTC, nous venons de nous envoler pour le retour à Natashquan. Quel soulagement !! Il nous restait 105 km de non complétés ou trois jours.

Amerrie à 14h00 UTC. Nous avons pris notre déjeuner/dîner au restaurant la Goélette.

Quelle coïncidence! Nous avons rencontré Gilles Vigneault à la quincaillerie Landry à Natashquan.

29 juillet

Départ de Sept-Îles à 11h00 UTC. Avons couché au Motel Mongan. Direction Godbout pour le traversier à 15h00 UTC. On a fini le voyage.

C’est tout un sentiment d’accomplissement que d’avoir participé à une telle expédition. Nous aurons augmenté les connaissances au sujet de la rivière Natashquan. Malgré les journées qui nous ont menées au bord de l’épuisement total, des embûches, il faut dire que je ne regrette rien et nous avons été privilégiés de pouvoir faire une telle expédition en région sauvage.



Claude G. Savoie

No comments: